Les impôts sur le revenu
Les revenus ont été considérés pendant longtemps comme les plus aptes à exprimer la capacité contributive réelle des contribuables. L'impôt général sur le revenu soulève cependant de sérieuses difficultés.
a) Sur le plan psychologique, cet impôt, parce qu'il est combiné le plus souvent avec le système de la progressivité, peut être créateur d'inhibitions ; le souci d'échapper aux tranches supérieures du barème peut inciter le contribuable à réduire volontairement ses activités professionnelles. Inversement, il peut exciter la cupidité ; l'importance de l'impôt sur le revenu peut pousser certains contribuables, notamment dans le
secteur des services et celui des professions libérales, à augmenter artificiellement le prix de leurs services ou le montant de leurs honoraires pour compenser la part du prélèvement opérée au titre de l'impôt sur le revenu
; il en résulte une augmentation considérable du coût de nombreuses prestations et dans certaines professions, un goût immodéré pour l'argent.
L'impôt sur le revenu n'est pas non plus un stimulant pour l'épargne. Le système conduit surtout, et de toute façon, à une pénalisation de l'effort, ce qui est désastreux sur le plan moral. Ce n'est pas, du reste, le seul inconvénient qu'il présente. Il ne tient pas compte de l'importance de l'investissement intellectuel qui a été nécessaire pour l'obtention des diplômes nécessaires à l'exercice de la profession. Il ne tient compte non plus ni de la pénibilité, ni de la durée du travail qui est nécessaire au contribuable pour réaliser les revenus auxquels il s'applique; il atteint de la même manière, pour un revenu égal, l'employé de bureau astreint à 35 heures de présence par semaine, l'ouvrier qui exécute des travaux pénibles ou dangereux ou bien le travailleur indépendant dont l'horaire excède soixante heures par semaine.
On peut aussi déplorer l’affaiblissement du sens de la solidarité qu’il entraîne. Ce n’est pas au moment de la perception des revenus, parfois acquis au prix de beaucoup d’efforts, que le contribuable se sent solidaire, mais lorsqu’il a conscience d’engager des dépenses que tous ne peuvent pas faire.
L’impôt sur le revenu est donc moins bien supporté que l’impôt sur la dépense.
Enfin, l’expérience des procédures de contrôle et de redressement révèle la dangerosité de cet impôt pour les libertés individuelles.
b) Les difficultés techniques auxquelles donne lieu l'établissement de l'impôt sur le revenu sont considérables et ne sont pas à la mesure de son rendement. Cet impôt ne peut s'appliquer de la même manière à toutes les catégories de revenus; la difficulté d'imposer des revenus comme les bénéfices agricoles en est une preuve suffisante. Il est de sa nature d'être inégalitaire et source de discriminations, par le jeu, cependant nécessaire, des régimes d'imposition forfaitaire des bénéfices et des modes d'évaluation forfaitaire (notamment, en matière de traitements et salaires). Il peut s'appliquer à des revenus dont le contribuable ne dispose pas en fait
(bénéfices professionnels calculés suivant le système des créances acquises, sommes inscrites à un compte courant et que l'associé ne peut prélever, revenus dont le dirigeant d'une entreprise ne dispose pas à la suite de l'exécution d'un engagement de caution, revenus affectés à l'acquisition de  l'habitation principale, etc…). Le blocage du système n'est pas moins évident: toute modification réalisée au nom de la justice fiscale
suscite son contraire et engendre une discrimination nouvelle ; le plafonnement des effets du quotient familial est à cet égard très caractéristique.
L'impôt sur le revenu est devenu d'une extrême complexité: qu'il s'agisse de la détermination des dépenses et des charges déductibles du revenu global ou, à plus forte raison, de l'évaluation des bénéfices nets imposables des différentes catégories professionnelles après déduction des frais généraux et autres charges déductibles, ou du sort des plus-values réalisées au cours de l'exercice d'une activité professionnelle.
 

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